Le jour de la Saint-Valentin, le ministre délégué chargé du numérique, Jean-Noël Barrot (“Barrot”, hihihi) a annoncé que le gouvernement testerait en mars une solution de vérification de l’âge, à l’entrée des sites pornographiques : ils vont être interdits pour de vrai aux moins de 18 ans.
Pourquoi ?
Je me permets de reformuler l’argument des anti-pornos : « parce qu’il faut protéger nos enfants de l’influence néfaste des films pornographiques ».
(Les moralistes disent « nos » enfants, même quand c’est pas des leurs.)
Notons pour commencer que l’amendement originairement voté, au sénat et à l’assemblée, est lié à une proposition de loi qui vise à « protéger les victimes de violences conjugales ». Il y a aurait donc un rapport de causalité entre « aller sur des sites porno quand on est mineur », et « être violent plus tard avec les femmes », et notamment la sienne.
Pas d’enquête objectivant la nocivité à grande échelle, pas vraiment de débat dans les instances, un relatif consensus médiatique : du coup, bientôt, des jeunes de 15, 16, 17 ans n’auront plus la possibilité de regarder… ce que pourtant ils ont le droit de faire chez eux (ou chez leurs parents, ou ailleurs).
Incongru, n’est-ce pas ?
La mauvaise graine
Élargissons la question à l’ensemble des problèmes posés par le porno.
Il y a deux grands problèmes posés par le porno. Ils sont très différents (et contradictoires, en un sens) mais ils convergent quand il s’agit, in fine, de “protéger les jeunes” (pas d’une menace extérieure, mais de l’orientation de leur propre curiosité).
- Problème 1 :
Le porno risque d’être imité : les hommes vont peut-être refaire ce qu’ils voient ; ce qu’ils voient, ce sont souvent des femmes-objets ; et les hommes vont d’autant plus être amenés vouloir imiter le porno, que celui-ci montre volontiers (circonstance aggravante) des femmes qui prennent du plaisir à être traitée comme des objets. Elles-mêmes vont être tentées de croire qu’il faut qu’elles imitent tout cela pour être estimables ou plaisantes.
- Problème 2 :
Le porno risque d’être inimitable : il crée aussi un rapport très compliqué à soi. Il complexe, il trouble, il réduit la sexualité à une question de performances, qui sont en plus compliquée à reproduire. On se trouvera moins performant ou moins bien doté que les modèles et on en souffrira.
Moralité : il faut prémunir au moins les mineurs de ces références catastrophiques, qui ont peut-être deux effets terribles ; soit les films sont imités, et c’est grave, soit ils font souffrir de ne pouvoir les imiter, et c’est difficile.
Le porno renvoie une image dégradante des femmes
Commençons par le problème 1.
Les plus soucieux du sort des femmes dans les pornos sont-il favorables, a contrario, aux pornos gay et lesbien ? Je ne pense pas. Mais faisons comme si « l’image des femmes » n’était pas un alibi, mais le principal souci (d’autant que c’en est un vrai).
Le porno exhibe volontiers « la femme dominée » sous toutes ses déclinaisons. Agenouillée, plaquée, multi-pénétrée, passive, corvéable, au service de la jouissance de l’homme qui clôt le spectacle plutôt que de la sienne, etc.
Passons pour l’instant sur les autres significations possibles de toutes ces choses : il n’est pas interdit de penser que des actrices, peut-être, ou des femmes qui les imiteraient, peut-être, ou d’autres qui, peut-être, nourrissent de tels fantasmes sans vouloir les réaliser, se sentent non pas soumises en faisant tout cela, mais insoumises au contraire, libres et fières d’être irrévérencieuses, hautement satisfaites, etc.
Faisons comme si le porno proposait par définition une image dégradante des femmes. Quel serait le problème, si c’est de la fiction et que tout le monde est consentant pour la réaliser et la regarder ?
Ce problème a été formulé. Féministes ou pas, les nombreux mouvements offensés par le porno peuvent être rattachés l’approche pionnière et subtile d’Andrea Dworkin et Catharine MacKinnon, respectivement philosophe et juriste américaines, dont l’une des argumentations fortes peut être résumée ainsi :
- les films pornographiques donnent des représentations dégradantes des femmes ;
- il semblerait y avoir un lien entre le statut d’objet des femmes et l’excitation des hommes ;
- du coup, il y a quelque chose de « performatif » dans ces images, les hommes vont vouloir concrétiser ce qui les a excités à l’image : la pornographie produit alors (fait reproduire) de la domination masculine.
À ne pas confondre avec « performant », « performatif » signifie que les images pornographiques agissent concrètement sur le spectateur, produisent (pas seulement suggèrent, pas seulement inspirent, mais génèrent) du comportement conforme à ce qui est montré.
Le terme vient de la philosophie du langage. Est « performatif » un énoncé qui fait action, comme quand les autorités habilitées disent « je déclare la guerre » ou « je vous déclare mari et femme » : la parole rend la chose effective, l’énoncé réalise lui-même ce qu’il énonce.
De même, le porno ne ferait pas que “montrer”, il “ferait performer”. Le porno exigerait “baise ainsi”, et ferait qu’on baise ainsi (ou du moins qu’on essaye).
Dit autrement, les images pornographiques ne seraient pas seulement des propositions, mais des injonctions.
Et si la domination était moins grave dans le porno ?
« ça crée des normes, les femmes paraissent prendre du plaisir à faire des choses peu reluisantes et centrées sur le plaisir de l’homme, codifiées par la domination patriarcales, en définitive ce sont des modèles dangereux » : j’aimerais faire remarquer, pour commencer, que ce propos peut s’appliquer au porno peut-être, mais aussi à pleins de clips, au port de la mini-jupe ou selon certain.e.s, au cinéma en général, à mille choses à vrai dire, dont par exemple l’élection de miss France, qui raconte aux petites filles qu’il faut avoir entre 18 et 24 ans et mesurer au moins 1m70 pour être la plus belle – pour en rester aux critères officiels, c’est-à-dire sans considérer les critères implicites (finesse, postures cambrées, cheveux longs, épilation, maquillage, dents blanches et alignées, etc.).
Si le problème du porno est « le fait de créer des normes contestables », on va devoir interdire beaucoup de choses aux mineurs.
À moins que les représentations de la femme dominée soient plus problématiques dans le porno qu’ailleurs ?
Je propose l’hypothèse inverse : la domination de la femme, c’est peut-être moins grave dans le porno qu’ailleurs.
D’abord, si dans l’intimité ou dans leur travail, des femmes veulent être (ou veulent avoir l’air d’être) « dominée », c’est bien leur droit. Elles y prennent sûrement du plaisir, et y mettent sans doute autre chose que de la domination.
Ensuite, dans les représentations pornographiques, la sexualité s’inscrit dans le ludique, le schématique, l’artificiel, la domination relève du rôle, du cliché, du personnage, du coquin factice, de l’outré, tandis que dans le cinéma classique, la publicité, l’histoire de l’art, le monde de l’entreprise, celui des médias, la classe politique, tous les mythes et religions de l’occident et de l’orient, les points de vue des hommes en général, eh bien la femme dominée relève plutôt… du traditionnel, voire de « la nature », en tout cas de l’habitude, du spontané, de l’impensé
Bref, le jour où l’on combattra la domination masculine aussi fort que dans le porno (où elle est feinte), ailleurs que dans le porno, ce sera pas mal.
Mais le porno n’a-t-il rien de spécifique ? Si, sans doute. Mais pas la domination de la femme.
La spécificité du porno
La première spécificité du porno est d’être une image faite pour exciter.
Des images existent pour faire peur, pour faire rire, pour faire réfléchir, pour divertir, pour énerver, des images existent pour vous faire acheter de la merde en boite qui pollue et qui est mauvaise pour la santé – mais seules les images pour exciter génèrent autant de rejet.
Pourtant, c’est pas si grave, c’est pas si mal, d’être excité.
« Oui mais être excité par ça ! C’est intolérable » Par ça quoi ? Eh bien, par la seconde spécificité : ce sont des images obscènes (obscénité : « qui offense ouvertement la pudeur dans le domaine de la sexualité », selon CNRTL). Obscènes parce qu’on y voit les sexes non seulement en action et en gros plans, mais aussi (surtout ?), parce que la sexualité est complètement dissociée des trois domaines avec lesquels notre culture (patriarcale) l’a liée : la reproduction, la famille, l’amour.
Troisième spécificité pour définir le porno archétypal :
Ils sont trompeurs sur la « réalité » des rapports sexuels. Les professionnels qui s’y emploient sont des corps performants qui ne sont pas représentatifs, il y a l’obsession de la taille, de la durée, de la fréquence, les renforts de la mise en scène et de produits divers… Et le résultat à l’image peut être complexant.
Définition finale : A la marge, il y en a des différents, des féministes notamment, mais l’image d’Epinal du porno, pour résumer, ce sont des corps lisses, propices et stylisés, bien dotés et/ou doués et/ou dopés qui s’enfilent mécaniquement sans tendresse ni éthique supérieure à celle d’exciter celles et ceux qui regarderont.
Puisque exciter n’en est apparemment pas une, on ne trouve aucune valeur morale, pas même celle de l’esthétique soignée, dans la pornographie ; faut-il y voir des drames traumatisants et révoltants, ou bien… tout l’intérêt du porno, qui s’affranchit de toutes les valeurs parasites, et s’engage dans un champ libre, un terrain dépouillé, merveilleux pour l’exploration des fantasmes, des limites, des potentiels du corps ?
Par ailleurs, la pornographie est-elle plus éloignée de la sexualité réelle, que James Bond ou Jackie Chan, du self défense réel ? Messi et Ronaldo sont-ils représentatifs de la façon normale de jouer au foot ? Les grands auteurs ne créent-ils pas des complexes d’infériorité, les rock stars des frustrations de ne pas vivre leur grande vie ?
L’analogie avec le cinéma “normal”, ou le sport, n’est pas une plaisanterie : dans toutes les choses humaines, on trouvera des représentations idéalisées. Cela peut être un problème et cela exige des critiques sans doute… Mais à quel moment faut-il protéger les mineurs de certaines exhibitions ou performances ? La beauté est complexante. Va-t-on retirer les beaux modèles des images à destination des jeunes ?
En elles-mêmes, les pratiques sexuelles consenties ne sont pas des choses problématiques moralement… Contrairement au choix de se faire justice soi-même, par exemple (complètement banalisé dans la fiction), ou d’inviter à gagner des millions d’euros, gain érigé en valeur absolue, en solution pour être heureux. Ne faudrait-il pas protéger les mineurs de l’influence de ces discours-là, plutôt ? Ils me paraissent bien plus problématiques, personnellement.
“Oui, mais le problème, c’est que le milieu du porno est affreux, etc.”
L’est-il davantage que celui de la mode, où les victimes sont plus jeunes encore ? Y a-t-il encore un “milieu du porno”, quand la production est à ce point le fait “d’amateurs” ?
Assainissons le milieu du porno, comme il faut assainir tous les milieux pro, personne ne dit le contraire.
Et voyons maintenant la question de la prétendue influence de ces images.
Qu’est-ce que l’influence ?
Deux choses se mélangent toujours avec la peur du porno (avec la peur des images en général) :
- le jugement moral sur le contenu (ce que les images montrent, en l’occurrence des gens qui prennent du plaisir à faire des choses obscènes, pouvant être jugées comme dégradantes pour les unes ou les autres)
- la crainte de l’influence (les effets, l’action sur le spectateur, en l’occurrence des violences, tournées vers les autres ou vers soi)
Évidemment, moins on aime un contenu (films pornos, jeux vidéo violents, films d’horreur…) plus on va craindre qu’il soit imité.
C’est bien normal d’avoir peur de l’influence quand on n’aime pas un contenu.
Mais ce n’est pas une raison de déguiser la condamnation du contenu, en certitude qu’il a une mauvaise influence (en affirmation que les spectateurs seront forcément piégés par l’image, surtout s’ils sont jeunes et donc stupides), afin d’obtenir la censure, l’interdiction d’accès au contenu.
Et ça se complique, parce que « l’influence » elle-même est un mélange de trois choses au moins.
Quand on parle d’influence d’une image, les plus inquiets assimilent toujours :
- l’effet d’une image
- l’adhésion à une image
- l’imitation d’une image
Le mot « influence » mélange les trois, comme par magie.
Et pour peu qu’on ait plaisir à regarder une image, alors là, c’est sûr, on va vouloir imiter…
Pourtant, dans les faits, aucune image n’est performative. Aucun plaisir à arracher des têtes dans les jeux vidéo n’a produit de vocation.
Le monde moraliste confond tout (effet, influence, pouvoir, adhésion, imitation…), mais dans le monde réel, l’effet des images pornographiques (des images en général) va être très différent selon les spectateurs, selon les figures filmées, les moments de la vie, etc.
Jamais une image n’aura d’effet nécessaire, ni garanti.
Du moins, nul ne l’a prouvé.
Les effets d’une image sont nombreux, et loin de pouvoir être réduits à une envie d’imiter.
Quand bien même une image ferait plaisir à voir.
Si toutefois on prend du plaisir à voir, ce qui est loin d’être une certitude pour la pornographie.
Bien sûr, plus on va parler de jeunes personnes, plus sera faite cette contraction, cette compression qui va de l’image (décrite tout de suite comme “modèle”) à l’imitation (supposée nécessaire). Ce mélange oublie de passer par les cases :
- Familiarité avec les images en général ;
- perception d’une image donnée ;
- réception de cette image ;
- jugement de l’image ;
- confrontation à ses valeurs, ses goûts, ses aspirations, ses capacités ;
- digestion de l’impact ;
- discussions avec d’autres personnes ;
- test du fantasme dans la masturbation ;
- Et surtout, la case « confrontation à la personne avec qui on aura des rapports », qui aura aussi des envies, plus ou moins explicites, des appréhensions, des fantasmes différents ou convergeant, des images en références, un consentement à donner, des indications à formuler, des pistes à suggérer, des limites, qui prendra les devants ou pas, etc.
Les imitations problématiques
Imitées du porno ou pas, on doit faire les choses seul, ou avec l’autre ou les autres. Pas contre le consentement des autres. Sauf à être un individu violent, dangereux, condamnable et pourtant satisfait de soi, convaincu que c’est ce que les victimes veulent “au fond”, etc. – et ce n’est pas le porno qui rendu con à ce point, c’est le viriarcat.
Sans doute les gens violents aiment-ils les films violents. Mais le problème de l’imitation du porno, ce ne sont pas les représentations imitées en elles-mêmes. Le « problème du porno », c’est :
- que des mecs se dispensent du consentement quand ils veulent imiter ;
(on regrettera moins la supposée influence du porno que l’influence pour le coup nulle de l’éducation nationale, des menaces de la loi, de la plainte, de la condamnation) - et que des femmes et des hommes croient devoir se conformer à ce qui y est vu.
Ce ne sont pas les problèmes du porno lui-même.
Ce que fait le (ce qu’on fait du) porno
Le porno montre, dans le but d’exciter, des personnes consentantes, filmées en plans très rapprochés, qui exécutent des figures extrêmes. Les images peuvent exciter ou pas, donner des idées, écœurer, apprendre des choses, complexer, décomplexer. Elles montrent des directions que chacun peut emprunter ou s’interdire.
L’obscénité, par définition, « offense la pudeur ». Et si le problème était la pudeur, plutôt que l’offense ?
Qu’est-ce qui fera qu’on « digèrera », à sa façon, plus ou moins bien, la pornographie ?
Eh bien, comme pour toutes les choses difficiles et susceptibles de choquer, d’influencer, de troubler, ou pas (un film d’action, un événement dans la rue, un jeu vidéo angoissant, les émissions de Pascal Praud, la mort de la mère de Bambi, un article LinkedIn faisant culpabiliser ceux qui manquent d’audace, etc.) : le fait d’y avoir été préparé ou pas, le fait d’avoir été, ou pas, formé à penser par soi-même.
Dans le cadre de la sexualité, cette préparation doit se faire :
- sur le contenu : la sexualité et ses représentations, le consentement (les pères les mieux intentionnés et les plus attentionnés ont encore le réflexe de blaguer, s’ils vont bientôt avoir une fille, en disant qu’ils lui mettront une ceinture de chasteté, qu’ils ne laisseront aucun homme s’approcher, des choses comme ça…)
- mais aussi sur la forme, sur ce qu’est une image – mais ce langage-là est ignoré par l’école, pas vraiment pris au sérieux comme un langage ; heureusement qu’il y a les jeux vidéo, les films, les applis comme TikTok pour familiariser les jeunes au fait qu’une image est construite, composée, fallacieuse, etc., et pour en démocratiser les secrets de fabrications.
S’il y a un problème avec le porno, il est précisément là : quand il s’agit du premier contact avec la sexualité – avant la parole, notamment.
Ce qui est terrible avec internet, c’est que des enfants tombent sur ces images, immédiatement très crues, agressives, vulgaires de prime abord, sans l’avoir voulu, sans les avoir recherchées, sans s’y attendre.
Quand les films sont vus avant même que la question sexuelle ait été abordée (avec soi-même, entre amis, à l’école, en famille, grâce à des premiers mangas « innocents », des images promotionnelles de lingerie, des schémas dans un dictionnaire – qui, eux, et contrairement au porno, ignorent le clitoris -, etc.), c’est problématique et potentiellement traumatisant.
La grille d’analyse doit précéder la perception, comme pour tout.
Conclusion
Pour lutter contre cela, il n’est pas du tout nécessaire de censurer, d’interdire radicalement aux mineurs, comme le veut la loi (loi qui permet aussi d’identifier les adultes, évidemment) : il suffit que les sites soient explicitement signalés comme défendus, comme nocifs pour les moins de 15 ans (pourquoi choisir un autre âge que celui auquel on peut faire les choses ?), il faut des filtres, des étapes, des possibilités de verrouillage par les parents – et l’éducation décidera alors de l’âge auquel les enfants auront accès, avec internet, « librement ».
L’interdit donnera d’autant plus envie d’aller voir ? Barbe bleue, etc. ? Cela méritera un article entier, mais pour l’instant, accordons que c’est autre chose de tomber sur de la pornographie involontairement, ou d’y aller en ayant conscience de transgresser : la perception est activée, précautionneuse, elle s’autorise petit à petit. L’esprit travaille, il est sur ses gardes, il avance pas à pas.
Pour celles et ceux qui s’y aventurent en étant préparé, c’est un support de pensée et d’expérience. Comme tout contenu d’un média. Sur une question qui relève de l’intimité, et qui devrait moins relever d’un tabou.
Alors oui, c’est potentiellement frustrant ou complexant – comme toutes les performances de tous les professionnels de tous les secteurs de la vie, comme tous les sommets esthétiques, comme toutes les expériences réservées à d’autres, mais pas à soi.
Alors oui, ça peut donner des idées. Des mauvaises, à ceux qui chercheront des idées mauvaises. Mais peut-être des bonnes, aussi, à celles et ceux qui voudront y trouver des plaisirs (pourquoi pas à partager).
En d’autres termes, oui, le porno “influence”. Cherchons plutôt à ce qu’il le fasse positivement.
Oui, certaines images seront peut-être prises comme des injonctions – et c’est regrettable. Mais ce n’est pas nécessaire. C’est le propre de tout ce qui circule dans une société ouverte, et comme pour toute injonction (“partez là-bas en vacances ! Votez untel !”), on devrait moins chercher à réduire l’émission des bruits, qu’à augmenter les capacités de réception.
La seule forme de « protection des jeunes » dont est sûr de l’efficacité, c’est la préparation de l’esprit critique et la culture du consentement.
On ne combat pas du tout les mauvaises influences en les censurant, on les combat on amenuisant leur influence ; on n’amenuise voire annule leur influence qu’en éduquant.
Tout esprit éduqué saura renverser une mauvaise influence un contre-modèle (bien des féministes ont grandi avec Disney ou Martine à la maison).
En regardant du porno, tout esprit bien formé sera libre d’y trouver ou pas des idées, des repères, des valeurs, ou des contre-modèles. Du plaisir ou du dégoût.
On pourra y trouver la forme la plus dégradée de la sexualité, parce qu’on estime que la beauté et le plaisir commencent avec les sentiments ou la douceur, ou parce qu’il n’y a rien de meilleur qu’une jouissance partagée et simultanée (ce qui manifestement ne rend pas bien à l’image) ?
Ou on pourra y trouver la forme supérieure du plaisir, par exemple en estimant que la sexualité pornographique est la plus proche incarnation d’un fantasme, d’une pulsion, par sa neutralité en termes de valeur et son absence d’émotion ?
On y trouvera ce qu’on voudra. Ou rien du tout.
Les enfants doivent être prémunis d’abord en étant avertis et préparés ; les ados puis les adultes doivent être libres de chercher qui ils veulent être et ce qu’ils veulent faire ensemble, aussi grâce aux images qui filment des gens consentants faire ce qu’ils veulent.
Autrement dit, un monde meilleur et plus égalitaire ne verrait pas le porno disparaître. Un monde meilleur verrait le porno se diversifier.
En attendant, le monde qui veut censurer la pornographie me parait être, quant à lui, le monde qui n’éduque pas à la sexualité et à la liberté. Un monde qui ne fait pas du consentement et du plaisir les valeurs prioritaires.